Ouvrir au monde des possibles
Rencontre avec des personnes fragilisées et vivant à la rue. Écoute, adaptation, humour et poésie, pour un moment de partage « décalé ». Un projet qui bâtit des ponts entre des mondes différents.
Jérôme , éducateur de rue CPAS de Charleroi
Nous étions pris d’un scepticisme léger -mais amusé- lorsque nous avons pour la première fois été sollicité par l’équipe d’Empathiclown. Des clowns à la rencontre des habitants de la rue, sur leur milieu de vie (parfois désespéré, parfois violent) et avec les quelques risques que cela comporte ? Peut-être n’avions nous plus l’habitude, en tant que travailleur social de rue, d’imaginer l’impact de cet élément festif et décalé au sein des petits « quartiers à problèmes » et au contact de personnes parfois très déstructurées. Et pourtant… Au bout de quelques mois, nous avons pu découvrir à quel point l’approche décomplexée d’Empathiclown rejoignait la notion de « Vivre Ensemble » chère au pays de Charleroi. Et à quel point cette approche du contact humain faisait écho au travail que les éducateurs de rue réalisent chaque jour au travers d’un questionnement très simple : comment éveiller l’individu (qu’il soit en errance ou citoyen, commerçant, voisin…) et comment rapprocher / faire cohabiter ces différents mondes, démystifier l’indicible et valoriser l’humain ?
L’association Empathiclown utilise les arts de la scène, en particulier le théâtre et le clown, dans des interventions sociales auprès de personnes fragilisée par l’âge, la maladie, le handicap ou la situation sociale. Au départ, le projet se tournait principalement vers des personnes fragilisées par la maladie ou le handicap ; désormais, l’association poursuit sur la même voie, mais en rencontrant des personnes fragilisées par le contexte social et économique.
En collaboration avec Carolo Rue, qui les guide dans la ville, Empathiclown cherche à créer plus de lien entre la population lambda et la population marginalisée. Les clowns circulent en camionnette-loge pour faciliter les déplacements dans la ville. Ils s’arrêtent dans des endroits précis pour partager un moment avec tous ceux et celles qu’ils rencontrent sur leur chemin. Les clowns font l’expérience de la rue et s’immergent dans des réalités bien différentes, de la réalité du passant à celui qui vit dans la rue. Ils ont cette faculté de s’adapter à chacun et de bâtir des ponts entre des mondes bien différents. Ils révèlent des tensions et des schémas sociaux établis.
Les clowns vont prioritairement à la rencontre des personnes qui vivent en rue et interviennent à l’extérieur des lieux d’accueil mais aussi au Resto du Cœur où d’autres personnes se retrouvent.
Sur le plan individuel, le clown valorise la personne et tente de lui rendre son pouvoir d’action et de création. Pour tous et notamment les plus fragilisés, il s’agit de s’échapper du quotidien, parfois trop dur, en s’emparant de ce nouvel espace de liberté et d’expression. La personne a la possibilité d’échanger avec autrui, de se raconter, de laisser libre cours à sa fantaisie. Cette trêve offerte par le clown est un réel temps de respiration. Ces rencontres permettent un nouveau type de communication au présent et sur base d’écoute et de compréhension d’autrui. Elles contribuent à diminuer l’isolement et à solliciter l’intérêt. Elles peuvent également désamorcer certaines tensions, voire des moments de crises observés en rue. Personnage décalé et maladroit, le clown incarne la difficulté à être performant dans un monde intransigeant. Quand il rencontre des personnes marginales, le dialogue, d’égal à égal, est plus facile. Ces respirations redonnent estime et confiance à chacun.
Concrètement, votre soutien permettra à Empathiclown de continuer ses immersions en rue.