Un-e interprète pour donner la parole
Créé en 1986, Exil est un centre de Santé Mentale, spécialisé dans la réhabilitation de réfugiés ayant été victimes de tortures et/ou de violence organisée dans leur pays d’origine. A travers une équipe pluridisciplinaire et multiculturelle, composée de médecins, psychiatres, psychologues et assistants sociaux, Exil propose un accompagnement psycho-médico-social individuel, familial ou en groupe.
La population reçue vient de d’Afrique subsaharienne, d’Asie et d’Europe de l’Est. Ainsi que des personnes originaires d’Afghanistan, d’Iran, d’Irak et Syrie. Cette diversité d’origine et de langue implique un travail étroit avec des interprètes.
Ces personnes cumulent différents traumatismes, celui de la guerre, de la torture et celui lié à l’exil. En Belgique, ils doivent faire face au déracinement, la perte de repères socioculturels, l’isolement social, et le choc qu’implique la confrontation avec une autre culture.
Le rôle de l’interprète permet donc la rencontre entre ces 2 mondes, il favorise la relation, c’est un passeur de confiance et de parole, un médiateur. Il est souvent passé par les mêmes difficultés d’adaptation, il connaît la culture de l’autre et celle d’ici. Il soutient la rencontre et facilite les échanges avec les patients. L’interprète participe aux consultations individuelles avec les professionnels de l’institution aussi dans les interventions en groupe qui sont proposées au public.
Jasmine, bénéficiaire
« Quand je suis arrivée en Belgique, mon français était très faible, Exil m’a aidée moralement et physiquement, j’ai appris à faire confiance, parfois c’est difficile de confier ses problèmes aux autres. J’aimerais bien partager ce que j’ai reçu à Exil avec des personnes qui traversent les mêmes choses que j’ai vécues. Quand je suis arrivée, j’étais seule, enceinte, avec deux petites filles, je me sentais perdue, parfois je ne dormais pas la nuit, Exil est devenu l’oreiller sur lequel je pouvais me reposer, la colonne vertébrale qui m’a permis de me tenir debout. Quand je n’allais pas bien, je savais que je pouvais aller les embêter avec tous mes problèmes, ils m’aidaient à m’occuper de mes filles et à me sentir mieux. Aujourd’hui, je n’arrête pas de parler d’Exil (à la maison, dans la rue, avec mes amis). Maintenant, je suis belge, mes filles aussi (merci beaucoup). Quand j’ai encore des problèmes, je viens toujours à Exil, ils ne m’ont jamais repoussée. Je n’ai pas de famille en Belgique à part mes enfants, alors ma famille c’est Exil et les gens que j’ai rencontrés dans la salle d’attente. Sans Exil, je ne sais pas si je serais encore là pour témoigner et écrire ce que je raconte là. Il faudrait agrandir Exil pour aider plus les autres personnes qui en ont besoin. »
Les conditions d’obtention du statut de réfugié en Belgique sont de plus en plus difficiles. A l’expérience de la torture vécue dans leur pays d’origine s’ajoutent les facteurs traumatiques liés à l’exil. D’une part la perte du contexte de vie, des repères socioculturels, du statut social, du réseau communautaire, … Et d’autre part, le déracinement et la confrontation à une nouvelle culture, accompagnée d’expériences dues à leur isolement social, de difficultés d’insertion, de l’obligation d’apprendre une nouvelle langue et de nouveaux codes sociaux.
De plus, lorsqu’un patient ne peut pas bénéficier d’un interprète, entre autre lors des consultations avec un psychologue ou un psychiatre, malgré tous les efforts pour se faire comprendre par des signes ou des mots simples, les soins ne peuvent pas donner les mêmes résultats, le patient est ainsi privé de soins de qualité.