Action Vivre Ensemble a rencontré des bénévoles et usager·e·s d’Un toit un cœur (UTUC), lieu d’accueil pour marginalisé·e·s à Louvain-la-Neuve.
Un toit un cœur (UTUC) est un centre d’accueil de jour pour précaires et sans abris à Louvain-la-Neuve. La seule condition d’accès est d’avoir plus de 18 ans. En dehors de cette prérogative, le centre ne discrimine personne, quelque soit les croyances, revenus ou sympathies politiques. Et chose rare, les chien·ne·s sont les bienvenu·e·s.
Le projet est né en 2007 à l’initiative de 3 kots à projets, KapQuart, Coquille et Droit de l’homme et de bénévoles extérieur·e·s. C’est donc une trentaine d’étudiant·e·s et une quinzaine d’habitant·e·s qui font vivre ce projet. Les premier·e·s se relaient pour tenir les permanences du centre selon leurs heures de cours et se mobilisent pour l’animation d’évènements (barbecue, repas, marché de noël, tournois sportifs, etc). Ils nouent en général des contacts privilégiés avec les usager·e·s du centre. Les autres bénévoles sont bien souvent pensionné·e·s. Ils/elles sont généralement plus fidèles à l’association sur le long terme, contrairement aux étudiant·e·s qui ne restent au mieux que la durée de leur cursus scolaire. L’aspect intergénérationnel et interculturel rend le projet unique.
UTUC, c’est d’abord un lieu où l’on peut voir ses ami·e·s, se sentir en famille et prendre un café gratuitement et puis – pour 1,5€ par jour – un repas chaud à midi, prendre une douche, faire une lessive, bénéficier d’un soutien psychologique et d’une oreille attentive à qui partager ses déboires, être accompagné dans ses démarches administratives auprès du CPAS ou de la mutuelle, etc. L’association fait également de la prévention en matière de santé et informe en matière de drogues et d’alcool.
Un projet communautaire, tel que celui-là, se doit de définir des règles pour organiser le vivre ensemble. Une charte a donc été rédigée, comprenant notamment l’interdiction de consommer drogue et alcool. Si la mesure ne se confronte à aucune contestation au sein de l’établissement, elle semble moins évidente pour les étudiant·e·s qui souhaitent inviter des usager·e·s à travers les festivités louvanistes. Toutefois, la charte ne transige pas sur la question : on ne propose ni alcool, ni drogue aux usager·e·s.
Pour Bernadette Maystadt, administratrice déléguée et bénévole depuis huit ans, la motivation à rejoindre un tel projet tient d’abord d’un virus familial, celui de s’investir pour la société. Sa mère, militante pour Vie Féminine et son père, actif en politique n’en ont pas moins fait. Par ailleurs, un proche de Bernadette a vécu une forte dépendance à la drogue. Cet incident a poussé Bernadette a changer son regard sur les toxicomanes et lui a donné la volonté de les aider.
D’jo, Marine et Mounia vivent avec une quinzaine de personnes en caravanes sur un terrain communal jouxtant une décharge à Mont-Saint-Guibert. Les caravanes leur appartiennent et l’occupation du terrain a été négociée avec l’intercommunale. Il n’y a là-bas ni eau, ni électricité et un voisin – la décharge – odorant. Ce n’est peut-être pas un idéal, mais c’est la solution qu’a trouvé cette bande d’ami·e·s pour vivre. Et comme le dit D’jo « notre situation est bien meilleure que celle des copain·ine·s qui dorment sur la dalle de Louvain-La-Neuve ou dans les bois alentours. »
« Chez UTUC, il y a des assistantes sociales à qui parler ou nous aider dans nos démarches administratives. Les étudiant·e·s peuvent aussi nous aider à rédiger un C.V. par exemple. Moi, je n’ai pas été longtemps à l’école, cette aide m’est précieuse. » précise D’jo.
Quant à Mounia, elle témoigne : « Je ne pouvais plus payer mon loyer. Le seul lieu qui pouvait m’héberger, moi, mon chien et mon brol, c’est ce camp de caravanes où
s’étaient installé·e·s des ami·e·s. Je ne me vois pas y rester longtemps, c’est tout de même à côté de la plus grande décharge d’Europe. Un jour, j’achèterai un camion et vivrai une vie nomade. Moi, je suis danseuse. Je passe des auditions et espère évoluer dans ce milieu. » Elle poursuit : « Louvain-la-Neuve est une ville nouvelle dans laquelle il manque encore beaucoup de services. C’est une ville très jeune, estudiantine, dans laquelle peu de choses sont prévues pour les plus âgé·e·s. C’est encore plus dur pour elles et eux d’être à la rue ici car ils y sont plus marginalisé
·e·s qu’ailleurs. Et puis, on est dans une des régions les plus riches du pays. Pourtant, il y a aussi des pauvres dans le Brabant wallon. »
Pour Laurent, rien ne laissait penser qu’il fréquenterait UTUC il y a à peine un an : « J’avais une entreprise, des contrats et des employé·e·s. Mais j’ai fais faillite suite à des factures non-payées. Comme j’étais indépendant, je n’ai pas eu le droit de toucher des allocations. Je n’avais plus rien. En trois mois, je me suis retrouvé à la rue. Le plus dur, ça a été le regard des ancien·ne·s fréquentations sur ma situation. Ça m’a permis de voir qui étaient mes vrai·e·s ami·e·s. Parmi les copain·ine·s qui fréquentent UTUC, les rapports sont plus sincères, on s’entraide. Aujourd’hui, je vis chez un ami et je sais que je vais m’en sortir. J’ai bon espoir de recommencer à travailler bientôt. Je vais retrouver un logement et y vivre avec ma fille. »