La campagne n’est pas qu’une oasis de bien vivre, comme pourrait le laisser croire les images d’Épinal.
Elle constitue aussi le refuge de personnes en situation de pauvreté. À travers un focus sur une commune de la botte du Hainaut, Froidchapelle, examinons comment réduire les inégalités sociales et garantir les droits de toutes et tous.
Mais, au-delà de ces images paisibles, au-delà du regard superficiel posé par une citadine ou un citadin de passage sur la campagne qu’il redécouvre, au-delà de ces impressions, une question surgit : la vie à la campagne, est-elle réellement pour toutes et tous une oasis de quiétude et de paix, un lieu de vie de qualité, loin du stress de la ville… ou bien… ?
Un diagnostic global
Pour tenter de répondre à la question ci-dessus, une étude réalisée par le Panel démographie familial de l’Université de Liège, en 2011, apparaît bien utile. « La pauvreté en milieu rural en Région wallonne »1Stéphanie Linchet, La pauvreté en milieu rural en Région wallonne, Panel démographie familiale de l’Université de Liège, 2011. Accessible sur orbi.uliege.be, après avoir dressé des constats et pointé les « bonnes pratiques », concluait2Dans cet extrait, les mises en gras sont un choix de l’auteure de la présente analyse ; elles mettent en évidence les différents éléments à observer dans cette analyse. :
« (…) la pauvreté et la ruralité sont deux concepts en perpétuelle évolution qui renvoient directement aux préoccupations des acteurs de terrain et à leur volonté d’interpeller les élus politiques sur la nécessité d’agir davantage sur la pauvreté. La Wallonie rurale est une terre d’exploitation pour une catégorie professionnelle au sein de laquelle certains se retrouvent sur la sellette et luttent pour leur survie. Elle est un éden environnemental pour d’autres résidents aspirant à la tranquillité…, un village où on est à la fois aidé et observé par son voisin. C’est un dernier refuge lorsqu’on a échoué ailleurs et que l’on souhaite se soustraire aux tourments des villes à travers l’habitat permanent (…) les enjeux actuels sont ceux d’une population vieillissante , progressivement de plus en plus dépendante et aspirant à une autonomie à domicile alors que la vie à la campagne requiert des déplacements motorisés. Il y a la question de la mobilité et de l’isolement profond qu’elle engendre pour ceux qui en sont privés… Les services publics et privés rationnalisés et en recul. La petitesse des infrastructures qui tentent d’offrir une réponse personnalisée et des solutions faites sur mesure parfois avec des bouts de ficelle.
(…) peu d’emploi stable (…) marché du logement déterminé par des ménages solvables et peu adapté aux besoins de la population précarisée en termes de qualité, de taille, de prix ou de localisation. L’habitat permanent reste la plupart du temps, non conforme aux codes du logement. La pression sociale fait obstacle aux démarches de demandes d’aide. À cela s’ajoute la problématique de l’agriculteur qui doit être » jardinier de la nature » (…) citoyen du monde rural (…) agri-manager (…) jardinier du monde (…) »
De cet extrait des conclusions de l’étude de 2011, nous pointons en particulier dix thèmes pour explorer aujourd’hui, les constats posés à l’époque : acteurs de terrains, interpellation politique, agriculture, parcs résidentiels, population vieillissante (mobilité, isolement), services publics et privés, petitesse des infrastructures, emploi, logement, pression sociale. Notons également que l’étude évoquait les programmes de développement rural (PCDR), les plans Habitat permanent (HP), les plans de Cohésion sociale (PCS), les Agences immobilières sociales (AIS) en termes de bonnes pratiques. Des dispositifs dont il sera question ci-après.
Mais qu’en est-il depuis 2011, il y a donc plus de dix ans. Aujourd’hui, en 2022, la situation a-t-elle évolué pour les campagnes ?
Sur le terrain du concret, à Froidchapelle
L’étude de 2011 soulignait le rôle important des acteurs de terrains pour poser des diagnostics et agir. Nous portons cette même conviction. Allons à la rencontre de trois personnes, acteur et actrices de terrain, Etienne, Christine et Noémie, tous trois sont concrètement engagés dans la lutte contre la pauvreté dans la botte du Hainaut (lire encart ci-après), sur le territoire de Froidchapelle plus précisément. Il et elles évoquent les réalités vécues au quotidien. Deux sont volontaires dans l’association de lutte contre la pauvreté Échange3L’ASBL Échange distribue des vivres non périssables, et des vêtements et articles de seconde main et en vue de venir en aide aux personnes démunies, tout en encourageant leur participation active aux activités du groupe. à Froidchapelle et la dernière est assistante sociale, responsable du Plan de cohésion sociale (PCS) de Froichapelle. Les trois ont une réelle expertise.
Avant d’écouter ces acteur et actrices de terrain, quelques précisions s’imposent sur le territoire où ils évoluent, ainsi que sur les programmes d’action mobilisables au niveau communal et les acronymes qui y circulent.
Des dispositifs communaux comme leviers
Pour lutter contre cette pauvreté, il y a desleviers politiques à la disposition des communes. La commune de Froidchapelle les active depuis de nombreuses années6Une première Opération de développement rural a été mise en place à Froidchapelle entre 1982 et 1992, une seconde entre 2006 et 2016, une troisième démarre en 2022, pour les dix prochaines années. Parmi ceux-ci, relevons-en trois : l’opération de développement durable (ODR) et le programme communal de développement rural (PCDR) ; le plan de cohésion sociale (PCS) ; le plan habitat permanent (HP). Une ODR et un PCDR, un PCS …qu’est-ce que c’est ?
- L’Opération de développement rural 7Plus d’infos sur pcdr.be est « une politique proposée par la Wallonie aux communes rurales. Elle est actuellement régie par le Décret régional du 11 avril 2014 (PDF) . Elle vise à améliorer les conditions de vie des habitants d’une commune rurale dans tous ses aspects : agriculture, économie, tourisme, aménagement du territoire, urbanisme, environnement, mobilité, logement, actions culturelles et associative. (…)L’ODR est une réflexion collective qui se construit au cœur d’une commune avec la participation de tou.te.s : mandataires, citoyens, associations, milieux économiques, sociaux, culturels et environnementaux. »De cette réflexion naîtra un programme qui fixe des objectifs clairs à atteindre et des actions concrètes à entreprendre dans le village pour la dizaine d’années à venir. C’est le Programme communal de développement rural, le PCDR. Ces projets sont en grande partie, subsidiés par la Région wallonne. Froidchapelle vient d’entrer dans son troisième PCDR.
- Le Plan de cohésion socialedes villes et communes de Wallonie(PCS)vise à « soutenir les communes wallonnes qui s’engagent à promouvoir la cohésion sociale sur leur territoire. Le PCS n’est pas réservé aux communes rurales, il peut concerner toutes les communes Wallonnes. Il doit répondre à deux objectifs : le développement social des quartiers et la lutte contre toutes les formes de précarité, de pauvreté et d’insécurité. Des actions sont mises en place selon quatre axes : l’insertion socioprofessionnelle, l’accès à un logement décent, l’accès à la santé, le traitement des assuétudes et le retissage des liens sociaux, intergénérationnels et interculturels. »8Plus d’infos sur froidchapelle.be.
Le PCS de Froidchapelle développe des actions concrètes visant à répondre aux deux objectifs : le développement social des quartiers et la lutte contre la précarité. - Le plan Habitat permanent(HP)9Voir plus d’infos : cohesionsociale.wallonie.be (onglets : actions – PHP) « L’objectif principal du Plan HP (Habitat Permanent) est de lutter contre la pauvreté, l’exclusion sociale et de favoriser l’accès de l’ensemble de la population wallonne aux droits fondamentaux garantis par l’article 23 de la Constitution : le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine, le droit à un logement décent, le droit à la protection de la santé et à l’aide sociale et médicale, le droit au travail, le droit à un environnement sain, le droit à l’épanouissement social et culturel,… »
La commune de Froidchapelle compte trois gros parcs résidentiels sur son territoire.
À ces programmes, ajoutons les agences immobilières sociales (AIS), les logements sociaux, de transit et d’urgence, le Plan d’action énergie durable (PAED). Bref, les leviers politiques pour faire reculer la pauvreté en région rurale ne manquent pas.
C’est un défi, on l’imagine, pour les petites communes rurales de s’y engager. En effet les dossiers à remplir sont très complexes et nécessitent compétence, temps, patience et ténacité.
Nos trois expert et expertes de terrain ont-ils entendu parler ces dispositifs ? En ce qui concerne ODR et PCDR, deux des trois savent qu’ils existent à Froidchapelle, mais ne les ont pas toujours reliés à la lutte contre la pauvreté. Pourtant, théoriquement, ces dispositifs visant le développement rural pourraient servir de point d’appui dans la lutte contre la pauvreté. Ils permettent en effet de dresser une carte d’identité compète de la commune concernée, notamment d’un point de vue socio-économique, avec des données historiques, géographiques. Ils identifient les « points forts » sur lesquels s’appuyer pour mener des actions. Ils intègrent les citoyens de manière active, et génèrent des ressources financières pour développer des actions sous la forme de subsides.
Par contre, le PCS (Plan de cohésion sociale) et le plan HP (Habitat permanent), sont tous les deux bien connus de nos expert et expertes de terrain, et surtout sont perçus par eux comme des leviers efficaces de lutte contre la pauvreté.
Cette analyse n’a pas pour objet de détailler l’implémentation de ces programmes, mais d’essayer de comprendre comment certains d’entre eux, mis en œuvre dans une région précise, une commune de la botte du Hainaut, Froidchapelle, peuvent contribuer à réduire les inégalités sociales et à garantir les droits des populations surtout ceux des plus précaires. Examinons ensemble les éléments indispensables à la réussite de cet objectif.
Des ingrédients importants dans la lutte contre la pauvreté10Les citations qui suivent sont issues des rencontresavec les experts de terrain mentionnés plus haut dans le texte (deux volontaires pour l’ASBL Échange et une assistante sociale de Froidchapelle)
- Retrouver de la convivialité
Dans le contact avec un public précarisé, les associations et leurs bénévoles épaulés ponctuellement par des professionnels jouent un rôle essentiel pour détecter les besoins des personnes et essayer d’y répondre.
Les associations, en plus du dépannage qu’elles offrent, mettent l’accent sur la convivialité, la participation, le non jugement et le souhait de redonner confiance en soi. Au-delà des clivages entre habitants (ceux qui sont nés là/ceux qui viennent d’ailleurs, par exemple), les amitiés peuvent même se nouer.
La crise du Covid a bouleversé les pratiques. Fini de se réunir autour d’une tasse de café en attendant son colis alimentaire. Du côté de l’ASBL Échange, la distribution individuelle sur rendez-vous, dix minutes par personne, a pris la place des moments collectifs propices aux échanges. Les bénévoles, dont un certain nombre faisait partie du public « à risque » en période de crise sanitaire, ne pouvaient plus assurer les permanences. « Tout est donc devenu plus lourd avec moins de personnes pour poursuivre les activités de distribution de colis. Une des conséquences est qu’on se connait moins. C’est compliqué, dans ces conditions, de cultiver la convivialité. » Peu à peu, le Covid s’estompant, les associations essaient de remettre en place ces moments conviviaux. « Ce n’est pas toujours facile, on a perdu l’habitude. Les personnes les plus précaires se sont repliées sur elles-mêmes. Les bénévoles sont moins nombreux. »
- Renforcer la collaboration entre acteurs de terrain et la commune
« À Froidchapelle, les collaborations avec la commune apportent un grand plus. Celle-ci assure la logistique pour la banque alimentaire. En effet, c’est le camion communal et un ouvrier qui se rendent à la banque alimentaire à Charleroi pour aller chercher les marchandises disponibles. L’assistante sociale du plan de cohésion sociale épaule les bénévoles lors des permanences de l’association. C’est aussi le cas pour apporter les colis à domicile chez les personnes qui ne savent pas se déplacer. »
En octobre 2022, les associations de terrain observaient que « le nombre de bénéficiaires est resté assez stable même si on remarque qu’il y a plus de demandes en hiver, sans doute parce que c’est une période où il y a moins de légumes dans les jardins. Mais avec la crise de l’énergie et l’envol des prix, c’est sûr, les demandes vont exploser. De plus, l’Europe parle de diminuer son programme d’aide aux démunis… Comment pourra-t-on faire face à ces défis ? » L’avenir apparaît bien sombre.
Davantage de collaboration compte parmi les souhaits. Avant la crise sanitaire, les personnes impliquées dans les Plans de cohésion sociale de la botte du Hainaut se rencontraient périodiquement. Ces réunions se sont arrêtées. « Peut-être reprendront-elles dans les mois qui arrivent, même s’il n’est pas toujours facile de collaborer entre communes quand on n’a pas la même couleur politique, ces réunions étaient utiles. »
Maintenir les liens sur la durée permet de nourrir la confiance entre acteurs de terrain, de renforcer l’engagement dans une visée commune.
- Faire face aux difficultés de mobilité
Sur le territoire de Froidchapelle, on compte trois grands parcs résidentiels, relativement excentrés par rapport au centre du village. Ils accueillent un public souvent fragilisé et de passage. Certains sont locataires, d’autres propriétaires, d’autres encore participent d’un système de « loue-achat » (dans ce cas, la personne est propriétaire du logement mais pas du terrain). Certaines personnes déménagent fréquemment d’un parc à l’autre, ou changent de région. « Difficile de les retrouver », regrettent les acteurs de terrain qui voient s’interrompre un accompagnement et ne peuvent en transmettre les acquis.
L’éloignement des villages tout comme la localisation des parcs résidentiels à distance des habitations conventionnelles constituent en eux-mêmes un frein pour une meilleure intégration sociale. Certes, dans la botte du Hainaut, le site des barrages de l’Eau-d’Heure et son développement touristique génèrent un important gisement d’emplois. Cependant, les emplois proposés sont pour la plupart saisonniers – et donc assez précaires – ; et nécessitent un moyen de transport pour s’y rendre. « Le public des parcs résidentiels pourrait être intéressé car l’emploi est une denrée rare dans la région, mais il s’agit de personnes parfois très éloignées de l’emploi, ce qui complique la situation. Il n’y a pas de gares dans la botte du Hainaut, les plus proches sont celles de Charleroi ou de Walcourt, mais encore faut-il y arriver. Les bus sont rares, un le matin et un le soir, en période scolaire. Dès lors comment décrocher un travail, s’il est impossible de s’y rendre quand on ne dispose pas d’un véhicule ? » Pour y pallier en partie, un des projets du Programme communal de développement rural prévoit la réhabilitation d’une ancienne voie de chemin de fer en Ravel, ainsi que la mise en place d’un réseau cyclable.
Néanmoins, le problème de la mobilité – soulevé dans l’enquête de 2011 – reste un énorme frein à l’emploi. Il frappe les jeunes de plein fouet et peut expliquer pourquoi ceux-ci quittent les campagnes pour vivre en ville, pourquoi aussi la population des villages se montre vieillissante.
- Faire vivre un lieu « trait d’union »
Les acteurs du plan de cohésion social et de l’habitat permanent multiplient les collaborations. Un pavillon communautaire appelé « Le trait d’union » en témoigne particulièrement. Grâce à lui, les habitants des parcs résidentiels ont accès à un lieu proche dans lequel se tiennent des permanences sociales. Celles-ci permettent d’aider à résoudre les problèmes administratifs comme la domiciliation – difficulté courante dans les campings fournissant du logement pas cher, mais sommaire – ou des problèmes d’urbanisme (démolition de caravanes laissées à l’abandon, de chalets ou autres abris insalubres). « Le trait d’union » permet également aux résidents et au voisinage d’avoir un contact avec des associations spécialisées, comme Le Répit (écoute, aide et accompagnement aux usagers de drogue et leur entourage), Le Déclic (service d’accompagnement pour femmes victimes de violences conjugales). « Dans ce local, on peut imaginer des projets : ateliers couture, informatique, cuisine, artisanat et les mettre en place. Le pavillon est ouvert à tous, habitants ou non des parcs résidentiels. Cet espace fait diminuer la pression et atténue la fracture sociale. Se rencontrer, se connaitre, s’apprécier, autant de recettes pour combattre les stéréotypes. »
Dans cet espace aussi, une donnerie s’était mise en place grâce à la bonne collaboration entre la commune et l’ASBL Échange. « Au départ, c’était un projet ponctuel, une expérience éphémère destinée à ne durer qu’un été, dans le local du parc résidentiel. Mais le succès a été tel que la donnerie est devenue permanente et a déménagé dans un local au centre du village, dans l’ancienne cure. C’est un véritable projet fédérateur. »
Le local « Le trait d’union », en plus des services qu’il propose permet aux diverses populations du village de se rencontrer et de participer à la mise en place d’un autre modèle de société, une alternative à la société de consommation. « Ce projet aurait été beaucoup plus difficile à mettre en place il y a quelques années d’ci. Les mentalités évoluent, et c’est une bonne chose. »
- Porter attention à la grande fragilité du monde agricole
« Les agriculteurs sont soit propriétaires de grosses ou moyennes exploitations et ils sont soumis aux aléas des marchés mondiaux (par exemple le marché du lait), soit à la tête de petites fermes et la situation n’est pas simple pour eux. Souvent les agriculteurs ont dû lourdement s’endetter pour se moderniser. Leur situation financière est fragile. Certains essaient de se diversifier en vendant leurs productions locales, légumes, fromage, beurre, viande. Il y a également un projet de marché local dédié aux circuits couts, développé dans le cadre du programme de développement rural. Mais peu de fermiers fréquentent l’association Échange. Ils s’en sortent comme ils peuvent. C’est vraiment si la situation est intenable, occasionnée par un accident grave de la vie, un décès ou une maladie grave, que les agriculteurs et les agricultrices viennent demander de l’aide. Il s’agit la plupart du temps d’une aide ponctuelle. »
Récemment sont apparus des projets d’ « agriculture sociale », avec comme mots d’ordre : la résilience, la solidarité et la créativité. C’est le cas dans la botte du Hainaut avec notamment l’ASBL « Alba se met au vert »11Voir albacrf.be/alba-se-met-au-vert. Cette association propose de faire collaborer des personnes fragilisées avec des agriculteurs : « Faire collaborer agriculteurs et personnes fragilisées par un accueil social à la ferme, c’est le principe du projet « Alba se met au vert. Depuis trois ans, l’association collabore avec des services sociaux et des centres de santé mentale pour venir en aide aux personnes fragilisées, par une dépression, de l’exclusion sociale, etc. »
Les fermes participantes reçoivent ainsi de l’aide non rémunérées. Et les personnes fragilisées participent à des activités « socialisantes » : « Il y a une idée de partage. On ne veut pas que ce soit une charge non plus. Les agriculteurs ont déjà des journées très remplies comme ça. La personne que nous envoyons chez eux donne un coup de main, mais ne doit pas les ralentir ». Le projet est financé par le fonds européen agricole pour le développement rural, ainsi que par la Région wallonne et par l’Agence pour une vie de qualité (AViQ).
Innovation et créativité permettent d’explorer de nouveaux champs d’action.
- Éviter la désertion des services collectifs sur le terrain
Depuis la crise sanitaire, il y a moins d’acteurs – services, bénévoles et professionnels – sur le terrain. Les acteurs de première ligne se font rares, ONE, SAJ, AMO. 12ONE : Office de la naissance et de l’enfance ; SAJ : service d’aide à la jeunesse ; AMO : service d’action en milieu ouvert à destination des jeunes. À Froidchapelle, l’école de devoir mise en place en collaboration avec l’AMO Oxyjeunes de Rance, n’a pas repris ses activités après la crise du COVID. Il en est de même pour les permanences des mutualités ou des syndicats. « Il est devenu très compliqué de les contacter. Imaginez… comment rester de longues minutes au téléphone quand on ne dispose que d’une carte prépayée ? » « La conséquence, c’est que les dossiers des personnes tardent à être mis en ordre avec toutes les conséquences négatives qui en découlent. Suspension de certains droits et aggravation des situations déjà sur le fil. »
En ce qui concerne la médecine, le tableau n’est pas non plus très rose. « Les médecins généralistes se font de plus en plus rares. Le Medibus 13Il s’agit d’un dispositif médical urgent et itinérant. Voir : medecinsdumonde.be ne passe plus dans les villages. Les rendez-vous médicaux sont reportés. La prévention disparait. Les conséquences à long terme risquent d’être très lourdes pour les personnes et beaucoup plus coûteuses pour la société. Ce qui est paradoxal, c’est que les situations se sont complexifiées et que les services disparaissent peu à peu du terrain. »
Conclusions
Les constats ressortis de l’enquête « Pauvreté en milieu rural en Région wallonne » en 2011, semblent globalement toujours d’actualité. 14Lire l’article « La pauvreté s’installe à la frontière française », dans Le Soir, 5 décembre 2022.
Si certaines politiques mises en place par la Région wallonne ont permis de petites avancées, HP, PCS, et dans une moindre mesure PCDR, la crise sanitaire a eu un impact négatif sur la qualité de vie des habitants des campagnes. Le monde « après Covid » est lui aussi plein d’incertitudes et de menaces.
Dans ce contexte, les associations de terrain continuent, contre vents et marées, leur travail auprès des populations fragiles. Elles s’adaptent, s’organisent, développent de nouveaux projets, de nouvelles solidarités et continuent de construire des alternatives, avec patience, conviction et ténacité… mais, elles aussi sont fragiles. Elles sont elles aussi impactées par le coût de l’énergie et elles dépendent du renouvellement des forces – volontaires et salariés -, des investissements financiers qui leur permettent d’agir.
Marie-Christine Lothier,
volontaire pour Action Vivre Ensemble
- 1Stéphanie Linchet, La pauvreté en milieu rural en Région wallonne, Panel démographie familiale de l’Université de Liège, 2011. Accessible sur orbi.uliege.be
- 2Dans cet extrait, les mises en gras sont un choix de l’auteure de la présente analyse ; elles mettent en évidence les différents éléments à observer dans cette analyse.
- 3L’ASBL Échange distribue des vivres non périssables, et des vêtements et articles de seconde main et en vue de venir en aide aux personnes démunies, tout en encourageant leur participation active aux activités du groupe.
- 4Extrait d’une intervention de Etienne Marlier, lors d’une réunion d’équipes pastorales à Beaumont le 11 octobre 2019.
- 5Tableau de bord de la santé en Province du Hainaut, publication de l’Observatoire de la santé du Hainaut., voir : observatoiresante.hainaut.be
- 6Une première Opération de développement rural a été mise en place à Froidchapelle entre 1982 et 1992, une seconde entre 2006 et 2016, une troisième démarre en 2022, pour les dix prochaines années
- 7Plus d’infos sur pcdr.be
- 8Plus d’infos sur froidchapelle.be.
- 9Voir plus d’infos : cohesionsociale.wallonie.be (onglets : actions – PHP)
- 10Les citations qui suivent sont issues des rencontresavec les experts de terrain mentionnés plus haut dans le texte (deux volontaires pour l’ASBL Échange et une assistante sociale de Froidchapelle)
- 11
- 12ONE : Office de la naissance et de l’enfance ; SAJ : service d’aide à la jeunesse ; AMO : service d’action en milieu ouvert à destination des jeunes.
- 13Il s’agit d’un dispositif médical urgent et itinérant. Voir : medecinsdumonde.be
- 14Lire l’article « La pauvreté s’installe à la frontière française », dans Le Soir, 5 décembre 2022.