Deux camions sur le champ de l’usine
Analyse

Conjointes-aidantes en agriculture… Le statut de la Liberté ?

par Jean-François Lauwens
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L’agricultrice est-elle l’avenir de l’agriculteur ? Si l’on sait depuis Aragon et Ferrat que « La femme est l’avenir de l’homme », le monde agricole reste, de son côté,  conservateur. Mais, à son rythme, il avance et il n’est plus rare de voir des femmes (30% actuellement) prendre la tête d’exploitations agricoles… Grâce à l’évolution de la société ou grâce à la création du statut de ‘conjoint aidant’ ?

Maman, sans profession ? Ils ont dû se tromper

Le jour du mariage de ma sœur, un détail m’avait particulièrement frappée. Au moment de l’office civil, j’avais retenu cette phrase: ‘Louisette Labbé, employée de commerce, fille de Henri Labbé, agriculteur, et de Francine Boulin, son épouse, sans profession’. Je chuchotai à l’oreille de mon mari ‘Maman, sans profession ? Ils ont dû se tromper.’ Je vis aussi le visage de maman se crisper. Elle non plus n’était pas restée insensible à ces mots. Et pour cause ! Chaque jour, elle travaille plus de dix heures sur l’exploitation familiale, 7 jours sur 7, sans compter les heures consacrées à son foyer. Et, soudain, elle se voyait officiellement sans profession.

Témoignage d’une agricultrice bretonne1 (RAMSAY, L’agricultrice, 1982) cité dans BILLON, A., BOUCHOUX, C., GONTHIER-MAURIN, B., LABORDE, F., MANDELLI, D., MONIER, M.-P., Rapport d’information sur les femmes et l’agriculture : pour l’égalité dans les territoires, Sénat (France), 5 juillet 2017. Disponible sur senat.fr

Anne-Marie Crolais, agricultrice bretonne, relatait ce témoignage en 19822Dans son livre : RAMSAY, L’agricultrice, 1982., reflet d’une époque genrée. Ce n’est plus hier mais ce n’est pas il y a un siècle non plus.  C’était en France mais la situation y était tout aussi semblable que chez nous.

Près de 50 ans plus tard, nous nous trouvons à la collision de deux problématiques : jamais comme aujourd’hui, l’agriculture, spécialement l’agriculture familiale, n’a été aussi malmenée dans nos pays ; jamais comme aujourd’hui, la question de l’égalité des genres ne s’est posée avec autant de force.

À l’heure actuelle, force est de constater que les exploitations agricoles indépendantes disparaissent régulièrement au profit de la concentration toujours plus grande des terres entre les mains de multinationales. Les Chiffres clés de l’agriculture 2023 de Statbel3Chiffres clés de l’agriculture 2023, Statbel, 25 juillet 2023. Disponible sur https://statbel.fgov.be/fr/chiffres-cles-de-lagriculture-2023 rappellent que, depuis les années 80, la superficie moyenne des exploitations a triplé dans le même temps que le nombre de ces exploitations était réduit de moitié. On est ainsi passé de 110.000 exploitations en Belgique (40.000 en Wallonie) en 1980 à 40.000 en 2020 à l’échelle nationale (moins de 20.000 côté wallon), soit encore une réduction de 2,3% en 2022 par rapport à l’année précédente. Quant à la question du genre, en 2020, 85% des agriculteurs étaient des hommes et 15% des femmes. Cette proportion est restée stable au cours des dernières années4Chiffres clés de l’agriculture 2022, Statbel, 26 juillet 2022. Disponible sur doc.statbel.fgov.be.

Un statut qui ne fait pas tout

L’évolution la plus marquante en termes de reconnaissance sociale pour les femmes actives en agriculture est celle qui est faite sur le plan juridique par l’existence du statut de conjoint aidant, c’est-à-dire une personne qui apporte une aide effective dans l’affaire de son conjoint ou partenaire indépendant (régulièrement ou au moins 90 jours par an)5Voir inasti.be.

Il existe toutefois, au-delà de la reconnaissance juridique, une série de critères moins objectivables pour définir le manque de reconnaissance des agricultrices. Ils sont pointés par Astrid Ayral6AYRAL, Astrid, La reconnaissance des femmes ayant fait le choix d’une profession agricole : état des lieux et vécus d’agricultrices wallonnes, Faculté de philosophie, arts et lettres, UCLouvain, 2021. Disponible sur http://hdl.handle.net/2078.1/thesis:30963, chargée de mission à la Fugea (Fédération unie de groupements d’éleveurs et agriculteurs) :

Quelques chiffres wallons

  • Les femmes représentent 29% de la main-d’œuvre régulière au sein des exploitations agricoles contre 34% début des années 90.

  • Les hommes sont à la tête de 84% des exploitations.

  • Trois femmes sur dix sont cheffes d’exploitation et gèrent des fermes plus petites que leurs homologues masculins (environ 41 ha/exploitation contre 60 ha).

  • Le statut de conjoint aidant est occupé à 78,8% par des femmes et à 21,2% par des hommes.

  • Seules 12% des femmes ont suivi une formation agricole complète et la majorité (74%) disposent uniquement d’une expérience pratique.

Données issues de la fiche Genre en agriculture, État de l’agriculture wallonne, SP Wallonie, mise à jour 28 juillet 2022.

La répartition des tâches. « Au sein des exploitations, le mode de production conjugal fonctionne selon une répartition genrée des tâches. (…) Cette répartition ne semble pas se faire selon les statuts juridiques des membres du couple exploitant. » Toutefois, elle ne semble pas vécue par les agricultrices comme ‘subie’ mais souvent comme ‘naturelle’. Une étude de l’ULiège-Gembloux Agro Bio Tech de 20147Le portrait des agricultrices wallonnes en 2014. Comprendre les besoins des agricultrices afin de leur apporter un soutien adapté, Réseau wallon de développement rural – ULiège-Gembloux Agro Bio-Tech, 2015 : https://orbi.uliege.be/bitstream/2268/208773/1/2014_Portait_agricultrices-wallonnes-en-2014.pdf, effectuée auprès de 75 exploitations wallonnes, met en évidence cette très grande différence de répartition entre, d’une part, les tâches manuelles, et, d’autre part, les tâches administratives. Par exemple, le travail au champs est presque exclusivement opéré par les hommes (environ 90%) alors que le travail lié à la traite ou au nourrissage du bétail est féminin (45%). En revanche, 70% des décisions sont prises de manière conjointe par les époux et 49% des mesures sont mises en œuvre conjointement. De même, les femmes sont majoritaires à gérer le volet administratif (56%) tandis que le suivi avec les banques, la comptabilité, les fournisseurs, les clients et la gestion du personnel est dans 30% à 40% des cas assumés conjointement.

« Ce sont plus les hommes qui sont sur les tracteurs et les femmes qui traient ou nourrissent les veaux : ce n’est pas discriminatoire, c’est une question d’affinités et d’organisation du couple, comme pour toute tâche ménagère. Le fait de signer les documents des emprunts bancaires rend aussi mécaniquement les femmes plus responsables. Le plus important ce ne sont pas les tâches physiques ou les mots, c’est le pouvoir de décision. Mais cela reste un milieu macho » nous explique Marianne Streel, présidente de la FWA (Fédération wallonne de l’agriculture).8Entretien avec l’auteur, 1er juin 2024.

La persistance des stéréotypes sexistes « s’exprime particulièrement dans les relations avec les professionnels encadrant le secteur. Habitués à discuter avec le ‘patron’, les représentants négocient rarement avec les femmes».9AYRAL, op. cit.

L’importance de l’origine sociale. « Le système de hiérarchie au sein du monde agricole est complexe et dépasse largement le ‘simple’ rapport de domination entre hommes et femmes »10Idem..Astrid Ayral rapporte ainsi également ‘l’importance du nom’ et l’existence de ‘baronnies’ 11Par baronnie, on entend des milieux (politiques, professionnels…) marqués par une domination héréditaire de certaines familles ou certains groupes. comme celle du blanc-bleu-belge.

La ‘reconnaissance affective’12Dans le contexte particulier de la vie agricole, « les frontières entre la sphère privée du foyer et la sphère professionnelle de l’exploitation » ont tendance à se « brouiller » puisque « la vie de famille est omniprésente dans la gestion de la ferme », comme l’explique Astrid Ayral (AYRAL, op. cit.). des agricultrices, ce qui englobe les charges domestiques hors-agriculture, l’entourage familial et la transmission ‘de père en fils’ (patrilinéaire) : « Les filles sont ainsi souvent destinées à partir de l’exploitation pour trouver un boulot salarié ou pour travailler dans la ferme de leur époux tandis que les garçons sont davantage vus comme de potentiels candidats à la reprise. Cette tradition patrilinéaire exprime un manque de confiance du couple exploitant envers les capacités d’une fille à reprendre la ferme »13AYRAL, op. cit..

Un statut qui a évolué plus lentement que la société

Entre-temps, un statut a été créé chez nous, le statut de conjoint aidant reconnu auprès de l’Institut national d’assurances sociales pour travailleurs indépendants (Inasti)14Voir https://www.inasti.be/sites/rsvz/files/2023-03/brochure_conjoints_aidants.pdf, qui relate que ces dernières années, le nombre de conjoint.es aidant.es affilié·es15Le conjoint aidant affilié n’est pas un statut particulier, cela signifie uniquement que le conjoint aidant est affilié à l’Inasti comme travailleur indépendant. est en diminution constante. On ne connaît pas la ventilation du nombre de conjoint.es aidant.es par secteur d’activité mais on sait que, tous statuts confondus, le nombre d’agriculteurs/agricultrices indépendant.es est trois fois inférieur à celui d’indépendant.es du commerce et de l’industrie et quatre fois inférieur que ceux/celles des professions libérales.

L’obtention de ce statut répond à un constat hérité du patriarcat : l’invisibilisation, bien décrite dans le témoignage d’Anne-Marie Crolais (voir infra), du travail des femmes au sein de la ferme. Au contraire, on pourrait dire qu’il le perpétue en cantonnant la femme dans un rôle second.

Selon une étude réalisée en 2002 par l’Université de Gembloux et l’Union des agricultrices wallonnes (UAW), 94% des femmes qui vivent dans une exploitation agricole y exercent une activité professionnelle. Sur les exploitations laitières, à temps plein ou à temps partiel, elles assurent en grande majorité les soins aux veaux et la traite, ce qui équivaut à 4 à 6 heures de travail quotidien. Ce sont également elles qui prennent généralement en charge la gestion administrative de l’exploitation, de plus en plus chronophage en raison de l’exigence grandissante des normes agroenvironnementales et sanitaires. Elles sont également le moteur de la diversification agricole amorcée il y a quelques décennies : toujours selon l’étude précitée, 100% des agricultrices enquêtées prennent en charge la gestion des gîtes à la ferme et de la vente directe lorsque la ferme se diversifie. Malgré cet investissement massif à la bonne marche de l’exploitation, les tâches effectuées par les agricultrices n’ont longtemps pas été jugées suffisantes pour justifier l’ouverture de droits sociaux propres, leur déniant ainsi toute reconnaissance professionnelle. Avant 1990, le statut de conjoint aidant ne donnait droit à aucune forme de protection sociale, si ce n’est celle dérivée des droits sociaux de l’époux. Conséquence : outre ce lien de dépendance totale, les agricultrices s’exposaient en cas de divorce ou de décès du conjoint à de graves difficultés, faute de pouvoir apporter la preuve de la réalité de leur travail sur l’exploitation. Elles n’avaient également pas voix au chapitre lors de la cession ou de la transmission de l’exploitation16BOURDON, Ines, Conjointes-aidantes, les agricultrices belges enfin reconnues, Faculté des Sciences économiques, sociales, politiques et de communication, UCLouvain, 2021. Disponible sur http://hdl.handle.net/2078.1/thesis:31026.

Sous l’impulsion européenne17Directive 2010/41/UE abrogeant la directive 1986/613/CEE. Disponible sur Directive – 2010/41 – EN – EUR-Lex (europa.eu), le statut de conjoint.e aidant.e a été mis en place dès le début des années 1990 afin que chaque personne qui soit le conjoint (par cohabitation ou par contrat de mariage) d’un.e indépendant.e travaillant effectivement à ses côtés et n’ayant pas d’autres sources de revenus puisse être reconnu·e18VILLEZ, Juliette, Les agricultrices en Europe et en Belgique et Quels statuts pour l’agricultrice wallonne ?, analyses d’Entraide et Fraternité, décembre 2015 et avril 2016..

« C’était un besoin absolu pour les agricultrices », nous relate Marianne Streel19Entretien cité.. « Il fut une époque où quand on se mariait avec un agriculteur, on ne se posait pas la question de ce que l’on allait faire. La femme entrait dans l’exploitation et son statut était ‘sans profession’. Or, la plupart du temps, les femmes trayaient, soignaient les veaux, nettoyaient les étables, rentraient les pailles, allaient sur les tracteurs… Ce n’était pas normal de ne pas être considérée comme travailleuse. Le statut de conjoint.e aidant.e n’est qu’un statut social : on paie des cotisations sociales, on a droit à un système de mutuelle. Il y avait déjà une protection avant mais via le travail de leur époux uniquement. Dans un deuxième temps, le statut a été complété avec l’ouverture de droits pour la pension. Il fallait tout de même avoir cotisé un nombre suffisant d’années, ce qui n’était pas possible pour les premières concernées : on a parlé dès lors de mini- et maxi-statut. Cela a évidemment été perçu comme une grande victoire mais ce n’était pas suffisant. »

En effet, dès 1990, la possibilité de s’inscrire à un mini-statut (statut partiel) est ouverte20BURAUD, L., LEGEIN, L. et GUIEU, A., Défricher le genre dans l’agriculture wallonne, Oxfam Belgique, 2023. Disponible sur oxfambelgie.be.. Ce statut a permis aux femmes d’agriculteurs de cotiser volontairement à hauteur de 4% de la cotisation du mari. Des droits ont alors été acquis : l’invalidité, l’incapacité de travail et le congé de maternité. Cependant, aucune retraire individuelle n’était inclue dans ces droits. Treize ans plus tard, en 2003, l’inscription des conjoint.es aidant.es à l’Inasti pour ce mini-statut devient obligatoire. Cependant, pour obtenir de nouveaux droits supplémentaires, les agricultrices voulant acquérir le statut de conjoint.e aidant.e devaient s’inscrire au maxi-statut (statut complet). Ce dernier comprend, en plus des protections acquises via le statut partiel, les mêmes droits que ceux dont bénéficient les indépendants à titre principal21Voir https://economie.fgov.be/fr/themes/entreprises/creer-une-entreprise/demarches-pour-creer-une/affiliation-une-caisse/le-statut-social-des. La contrepartie fut l’augmentation des cotisations sociales.

En 2005, le maxi-statut est devenu obligatoire. Ce statut de conjoint.e aidant.e n’est pas exclusif au secteur agricole mais il a permis à une partie de la main d’œuvre agricole cachée féminine d’être reconnue. Les propos de Marianne Streel l’illustrent bien : « L’UAW s’est battue avec les épouses des autres secteurs d’indépendants comme par exemple les épouses de médecins, de vétérinaires ou encore toutes celles qui aidaient leurs maris indépendants en répondant au téléphone ou en prenant les rendez-vous par exemple»22Entretien cité..

Le statut n’est pourtant pas encore satisfaisant sur le plan des pensions : « Pour nombre de femmes, mais aussi quelques hommes, qui travaillent en agriculture, l’instauration du statut de conjoint aidant sonnait comme la promesse de plus de reconnaissance et de sécurité. En pratique, et surtout lorsque l’âge de la pension se dessine, il ne semble pas toujours rencontrer tous les espoirs de ses affiliés », estime le journal Le Sillon belge23JAUNARD, Delphine, Le statut de conjoint aidant : pour qui, quel avantage et quelle pension ? dans Le Sillon belge, 30 novembre 2023. Disponible sur https://www.sillonbelge.be/11979/article/2023-11-30/le-statut-de-conjoint-aidant-pour-qui-quel-avantage-et-quelle-pension.

Conclusion : juste une question de sémantique ?

La création d’un statut était censée rencontrer les attentes des femmes actives dans le domaine de l’agriculture, un domaine où la vision qui a longtemps primé était celle de l’épouse donnant un coup de main à son mari pour les activités agricoles ou le pan administratif de cette activité en plus d’assumer l’éducation des enfants et les tâches domestiques.

Cette situation n’était évidemment plus tenable mais le monde agricole est souvent vu comme conservateur et obéissant à des logiques voire à des valeurs séculaires. Raison pour laquelle il faut distinguer deux aspects très différents à l’heure de se demander si le statut évoqué en question répond aux exigences en termes d’égalité hommes-femmes.

Sur le plan administratif (ou social, ou fiscal, comme on voudra), la loi, pas plus qu’ailleurs, ne fait de distinction entre le genre de l’aidant.e et de l’aidé.e. Les remarques formulées ci-dessus, par exemple en ce qui concerne les montants de pensions, sont pertinentes mais, d’une part, fatalement appelées à disparaître une fois que tout le monde sera entré dans le même régime, et, d’autre part, elles ne sont plus porteuses de discrimination de genre puisque les couples décident en théorie eux-mêmes de la répartition entre eux/elles. 

« On peut évidemment tout améliorer mais, à mon sens, nous avons fait tout ce qui était nécessaire à l’époque où nous l’avons fait. Les conjointes aidantes ont la possibilité désormais d’être agricultrices indépendantes à titre principal comme leur époux, mais cela coûte évidemment plus cher en termes de cotisations. Ce statut de conjointe aidante n’est pas périmé car il s’appuie sur un choix personnel : on perçoit moins mais on cotise moins. Vu la difficulté de conserver les femmes dans les exploitations notamment en raison des faibles revenus, certaines femmes quitteraient elles aussi l’exploitation si ce statut disparaissait», dit Marianne Streel.

Pour la sociologogue française Clémentine Comer, l’acquisition du statut comparable de conjointe collaboratrice en France n’est en revanche qu’une victoire symbolique qui consacre seulement en partie la reconnaissance du travail des femmes24COMER, Clémentine, La ‘conjointe collaboratrice’ : un recul statutaire ambigu dans Pour, 2011/5 (N° 212), p. 19-24. Disponible sur https://www.cairn.info/revue-pour-2011-5-page-19.htm. Ce statut reste ancré dans une vision matrimoniale du droit avec un choix sémantique attaché à la situation matrimoniale des femmes et à cette notion historique de simple ‘aidante’ d’un mari chef d’exploitation. Cette observation est encore plus appropriée en Wallonie : ici, les deux mots choisis (‘conjointe’ et ‘aidante’) consacrent une vision encore ‘vieux jeu’, une vision patriarcale, celle d’un monde qui n’aurait pas vu passer le train du féminisme et de l’égalité des genres.

Une image contenant Graphique, capture d’écran, graphisme, Caractère coloré
Description générée automatiquementToutefois, relativise Marianne Streel, ce n’est pas en ces termes que se pose la question : « Si, pour beaucoup de féministes, ce statut est périmé pour des raisons de pure sémantique, le respect des femmes ne dépend pas du statut : si une femme est maltraitée, ce n’est pas parce qu’elle est conjointe-aidante ou indépendante à titre principal ! Cela, c’est la relation de couple. Ce statut reste important pour l’agriculture comme pour quelques commerçants (bouchers, boulangers), et il donne les mêmes droits qu’à une indépendante au niveau de la ferme (cotitulariat, égalité pour la PAC). Il faut même défendre ce statut car l’Inasti pense que trop peu de personnes (17.000) sont concernées pour justifier une exception et cela poserait des soucis au niveau de la ferme si les conjointes étaient obligées de devenir indépendantes complètes. Ne perdons pas un statut pour une question de terminologie, faisons même plutôt en sorte de le conserver alors que notre statut wallon est envié par les agricultrices flamandes ou françaises. »

Avant de voir quelle direction prendra la réforme de la PAC (Politique agricole commune) dans sa volonté de soutenir de manière ciblée les petites exploitations25https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/cap-introduction/cap-future-2020-common-agricultural-policy-2023-2027/#:~:text=La%20PAC%20r%C3%A9form%C3%A9e%20vise%20%C3%A0,les%20mesures%20aux%20conditions%20locales., nul ne peut nier les difficultés financières rencontrées – sans distinction de genre – par les agriculteurs et les agricultrices. Nous nous sommes essentiellement intéressés ici aux évolutions de statut.

Pour la suite, d’autres recommandations ne manquent pas, comme les relève Oxfam Belgique dans son étude Défricher le genre dans l’agriculture wallonne26Op. cit.. En voici quelques-unes27Toutes les revendications sont issues de Défricher le genre dans l’agriculture wallonne, Oxfam Belgique, 2023. Disponible sur https://oxfambelgie.be/sites/default/files/2023-12/OXFAM-Rapport%20agriculture%20Wallonie%202023%20v4.pdf. :

  • La création d’un statut (existant en France) de coexploitant.e permettant à plusieurs personnes d’être cheffes d’une même exploitation ;
  • Le soutien aux agriculteur.rices qui exploitent des petites surfaces en facilitant l’accès aux facteurs de productions qu’ils.elles puissent investir dans une production agroécologique ;
  • Le soutien accru aux filières locales et agroécologiques respectueuses de l’environnement en mettant en place des outils adaptés pour les agriculteur.rices ;
  • L’intégration du genre de manière effective dans les dépenses publiques destinées à l’agriculture ;
  • Une image contenant Graphique, Dessin d’enfant, croquis, art
Description générée automatiquementLe recours à des aides à la main-d’œuvre plutôt qu’à l’hectare ;
  • La revalorisation du statut de conjoint.e aidant.e, spécialement au niveau des pensions.

  • 1
    (RAMSAY, L’agricultrice, 1982) cité dans BILLON, A., BOUCHOUX, C., GONTHIER-MAURIN, B., LABORDE, F., MANDELLI, D., MONIER, M.-P., Rapport d’information sur les femmes et l’agriculture : pour l’égalité dans les territoires, Sénat (France), 5 juillet 2017. Disponible sur senat.fr
  • 2
    Dans son livre : RAMSAY, L’agricultrice, 1982.
  • 3
    Chiffres clés de l’agriculture 2023, Statbel, 25 juillet 2023. Disponible sur https://statbel.fgov.be/fr/chiffres-cles-de-lagriculture-2023
  • 4
    Chiffres clés de l’agriculture 2022, Statbel, 26 juillet 2022. Disponible sur doc.statbel.fgov.be
  • 5
  • 6
    AYRAL, Astrid, La reconnaissance des femmes ayant fait le choix d’une profession agricole : état des lieux et vécus d’agricultrices wallonnes, Faculté de philosophie, arts et lettres, UCLouvain, 2021. Disponible sur http://hdl.handle.net/2078.1/thesis:30963
  • 7
    Le portrait des agricultrices wallonnes en 2014. Comprendre les besoins des agricultrices afin de leur apporter un soutien adapté, Réseau wallon de développement rural – ULiège-Gembloux Agro Bio-Tech, 2015 : https://orbi.uliege.be/bitstream/2268/208773/1/2014_Portait_agricultrices-wallonnes-en-2014.pdf
  • 8
    Entretien avec l’auteur, 1er juin 2024.
  • 9
    AYRAL, op. cit.
  • 10
    Idem.
  • 11
    Par baronnie, on entend des milieux (politiques, professionnels…) marqués par une domination héréditaire de certaines familles ou certains groupes.
  • 12
    Dans le contexte particulier de la vie agricole, « les frontières entre la sphère privée du foyer et la sphère professionnelle de l’exploitation » ont tendance à se « brouiller » puisque « la vie de famille est omniprésente dans la gestion de la ferme », comme l’explique Astrid Ayral (AYRAL, op. cit.).
  • 13
    AYRAL, op. cit.
  • 14
    Voir https://www.inasti.be/sites/rsvz/files/2023-03/brochure_conjoints_aidants.pdf
  • 15
    Le conjoint aidant affilié n’est pas un statut particulier, cela signifie uniquement que le conjoint aidant est affilié à l’Inasti comme travailleur indépendant.
  • 16
    BOURDON, Ines, Conjointes-aidantes, les agricultrices belges enfin reconnues, Faculté des Sciences économiques, sociales, politiques et de communication, UCLouvain, 2021. Disponible sur http://hdl.handle.net/2078.1/thesis:31026
  • 17
    Directive 2010/41/UE abrogeant la directive 1986/613/CEE. Disponible sur Directive – 2010/41 – EN – EUR-Lex (europa.eu)
  • 18
    VILLEZ, Juliette, Les agricultrices en Europe et en Belgique et Quels statuts pour l’agricultrice wallonne ?, analyses d’Entraide et Fraternité, décembre 2015 et avril 2016.
  • 19
    Entretien cité.
  • 20
    BURAUD, L., LEGEIN, L. et GUIEU, A., Défricher le genre dans l’agriculture wallonne, Oxfam Belgique, 2023. Disponible sur oxfambelgie.be.
  • 21
    Voir https://economie.fgov.be/fr/themes/entreprises/creer-une-entreprise/demarches-pour-creer-une/affiliation-une-caisse/le-statut-social-des
  • 22
    Entretien cité.
  • 23
    JAUNARD, Delphine, Le statut de conjoint aidant : pour qui, quel avantage et quelle pension ? dans Le Sillon belge, 30 novembre 2023. Disponible sur https://www.sillonbelge.be/11979/article/2023-11-30/le-statut-de-conjoint-aidant-pour-qui-quel-avantage-et-quelle-pension
  • 24
    COMER, Clémentine, La ‘conjointe collaboratrice’ : un recul statutaire ambigu dans Pour, 2011/5 (N° 212), p. 19-24. Disponible sur https://www.cairn.info/revue-pour-2011-5-page-19.htm
  • 25
    https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/cap-introduction/cap-future-2020-common-agricultural-policy-2023-2027/#:~:text=La%20PAC%20r%C3%A9form%C3%A9e%20vise%20%C3%A0,les%20mesures%20aux%20conditions%20locales.
  • 26
    Op. cit.
  • 27
    Toutes les revendications sont issues de Défricher le genre dans l’agriculture wallonne, Oxfam Belgique, 2023. Disponible sur https://oxfambelgie.be/sites/default/files/2023-12/OXFAM-Rapport%20agriculture%20Wallonie%202023%20v4.pdf.
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