Une femme agée et une jeune femme riantes se prennent dans les bras
Photo : Marie de Vivies - Lazare Belgique

Se relever et marcher grâce au lien social à la maison Lazare 

À Bruxelles, Lazare propose des colocations d’un genre nouveau, composées pour moitié de jeunes personnes actives et pour moitié de personnes sans chez-soi. Grâce à ce lien social retissé, c’est une véritable réussite en termes de réinsertion. 

Lazare – comme les deux Lazare de la Bible, le ressuscité et celui de la parabole de l’homme riche – a été créée il y a 15 ans par deux jeunes chrétiens parisiens actifs auprès de personnes sans abri. « Ils ont en l’intuition, qui est au cœur du projet, que les personnes en précarité ont certes besoin d’un toit mais qu’elles ont d’abord besoin de lien social : leur projet était tout simplement de vivre avec les pauvres et d’avoir un impact sur cette situation sans compétence ni action. Sans appeler les services, par exemple. C’est un autre chemin, plus personnel, mené avec le cœur », dit Alexandre Léger, coordinateur de Lazare Belgique. En 2017, des Belges ont donc lancé à leur tour la même expérience à Bruxelles. 

La « maison Lazare », ce sont 3 colocations (deux pour hommes, une pour femmes) pour 31 personnes à Etterbeek. « Disons que ce sont des colocations classiques avec des colocataires insolites! Les colocations sont composées à parité entre des jeunes actifs (y compris étudiant.es), en quête de sens, et des personnes en situation de précarité et de sans-chez-soirisme (sans-abrisme, mal logement…) renseignées par des structures de terrain qui leur ont présenté le projet. Deux familles engagées coordonnent les colocs. Tout est basé évidemment sur le volontariat. Ce n’est pas une maison d’accueil, personne n’y est placé ni même accueilli. Tout le monde est volontaire pour rejoindre le projet, en phase avec les valeurs de l’association et avec les obligations d’une colocation. Tout le monde signe la même convention et paie le même loyer, imbattable sur le marché locatif social : 480 euros, que les personnes en précarité paient avec leur revenu d’intégration. Ce qui permet aux personnes défavorisées de constituer une garantie locative pour la sortie vers un logement. » 

Avec le soutien d’Action Vivre Ensemble en 2023, une assistante sociale a effectivement pu réaliser un travail remarquable avec les locataires sur le plan de la recherche de logement et d’emploi. Jugez plutôt : « 82% de retour vers un logement pérenne privé (les logements sociaux sont quasiment inaccessibles à court terme) et 60% de retour à l’activité (y compris du bénévolat). Les maisons d’accueil traditionnelles sont autour de chiffres deux fois moins élevés. C’est sans doute lié à la singularité du projet. » Alexandre Léger préfère parler de « compagnonnage » que d’«assistanat » : « Nous sommes dans l’autonomisation et la responsabilisation. Lazare ne peut être un tout pour nos locataires : les actifs et actives peuvent rester deux ans et les personnes en précarité sont suivies (endettement, santé…) en externe et doivent s’engager, en partant, à poursuivre cet accompagnement. » 

Mais revenons au lien social : « C’est une histoire de transformation pour tout le monde. Les personnes en précarité retrouvent une existence aux yeux des autres et, donc, une dignité, c’est la première fois depuis longtemps qu’elles rencontrent des gens qui leur parlent sans être payés pour le faire ! Ce redressement bouleversant se voit même physiquement. Pour les jeunes, le déclic, c’est le changement du regard. C’est réaliser que nous sommes toutes et tous un peu vulnérables et en précarité de quelque chose. Voir la vulnérabilité comme une richesse donne une espérance folle. »  

# JT210