Mauvaise santé et logement – un cercle vicieux
Le logement est un thème souvent abordé par Action Vivre Ensemble. Il nous semble important de l’aborder ici en mettant en lumière ses impacts multiples sur la santé, bien souvent mise à l’épreuve par des obstacles et des vulnérabilités qui traversent nos sociétés1RONDIA, Karin, Le Chaînon, n°65, décembre 2023..
Parler de la santé en lien avec le logement nous amène d’emblée à penser à ceux qui dorment en rue, qui n’ont pas de toit pour s’abriter. De plus en plus nombreux et nombreuses dans nos villes, leur situation interpelle nos capacités individuelles et collectives à accueillir et à veiller à ce que chacun·e dispose d’un toit digne où s’abriter, un chezsoi où vivre dans de bonnes conditions. Ce sujet a été développé dans l’étude qui a servi de support à la campagne d’Avent 20232Voir à ce sujet l’étude de campagne, À bout de souffle. Parcours d’obstacles pour un droit au logement.. Il mérite à lui seul que nous lui consacrions sans relâche des écrits, des interpellations et des actions.
Cette étude se propose de parler d’autres publics, entre autres des familles, peut-être moins visibles encore. Ce sont celles et ceux qui vivent dans des logements qui affectent leur santé physique, psychique ou sociale. Leur situation est souvent ignorée, car moins perceptible par le grand public, mais aussi leurs voisins, des personnes qu’elles fréquentent. Ce sont de plus en plus souvent des mamans seules, des personnes âgées, des travailleurs ou travailleuses aux bas salaires, des personnes rencontrant la suspicion ou le racisme en raison de leur apparence.
Ce sont aussi celles et ceux qu’on appelle parfois les «nouveaux visages de la précarité», des personnes jeunes qui ont peu de revenus, qui travaillent à temps partiel ou qui ont des contrats temporaires de courte durée qui n’ouvrent pas de droit au chômage, des étudiant·es, des personnes qui ont été licenciées et qui n’arrivent plus à payer les factures ou à rembourser leurs emprunts, etc. Ils et elles appartiennent à un groupe qui était jusqu’à récemment relativement épargné par la grande pauvreté économique et étaient parfois déjà, sans en prendre réellement conscience, dans une situation de précarité, c’est-à-dire, exposés au risque de perdre ce qui permettait de vivre sereinement.
Un incident, quel qu’il soit, les a fait basculer dans une situation de manque chronique de moyens économiques pour faire face aux besoins récurrents du quotidien : une augmentation des frais (les charges locatives, un minerval, des factures à payer, des déplacements, etc.), une diminution de rentrées financières (perte totale ou partielle d’un travail ou d’une bourse d’études, diminution ou refus d’allocations sociales, diminution de l’aide parentale, séparation, etc.). Si l’on regarde plus attentivement leurs histoires de vie, le constat est clair : bien au-delà « d’accidents de la vie », le problème est fondamentalement systémique. Il est la résultante de changements structurels, de logiques et de choix quant aux priorités politiques, économiques et sociales face à un ensemble imbriqué de difficultés comme l’inflation du prix des logements et de l’énergie, le manque de logements sociaux, les inondations, la crise sanitaire, l’augmentation du coût de la vie, ainsi que les logiques qu’imposent les nouveaux standards sociaux (téléphone, ordinateurs, systèmes bancaires, etc.) et la culture actuelle de surconsommation.
Ces dernières années, la précarisation croissante de nouveaux pans de la population est à mettre en lien avec l’effritement des structures sociales : fin du plein-emploi, déstructuration et précarisation du marché du travail, délitement des liens sociaux et familiaux, etc. La santé, dont il sera question dans cette étude, est « un révélateur particulièrement sensible de l’ordre social et politique, tant par la manière dont les rapports sociaux se marquent dans les corps – produisant des inégalités sociales de santé – que par la façon dont les institutions politiques organisent la protection, la prévention et les soins – autrement dit ce qui relève des politiques de santé publique3FASSIN, D., La santé en souffrance dans Les Lois de l’inhospitalité: Les politiques de l’immigration à l’épreuve des sans-papiers, éd. La Découverte, Paris,
1997, p. 107. Disponible sur shs.cairn.info ».
Avant de développer plus spécifiquement la relation entre la santé et le logement, nous proposons de nous pencher sur les définitions de la santé, les facteurs qui l’influencent et les cadres juridiques qui en parlent en Belgique. Nous verrons ensuite, à partir du focus du logement, que le droit à la santé est loin d’être toujours respecté. L’imbroglio des problèmes quotidiens est trop peu considéré comme un tout. Les problèmes sont souvent abordés un par un dans l’espoir d’inverser la spirale négative. Cette étude propose de tirer quelques fils de cet imbroglio de difficultés pour saisir les conséquences de la pauvreté matérielle à partir de l’impact du logement sur la santé, entendue comme un bien-être physique, psychique et social4Selon la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. ».
Notre exploration des liens entre la santé globale et le logement se fera en mettant en lumière des histoires vécues – ainsi que ce qu’elles suggèrent explicitement – et à travers différentes formes de révoltes (colère, agressivité, refus de collaborer, auto-exclusion, etc.). Nous irons aussi à la rencontre d’initiatives communautaires, du travail de bénévoles et de professionnels qui démontrent que la solidarité dessine des pistes de solutions et améliore le cours de destinées. La réalisation de ces propositions d’améliorations suggérées par des organisations citoyennes dépend de la volonté politique de l’État, des régions et des communes. Elle est aussi notre responsabilité individuelle et collective.
- 1RONDIA, Karin, Le Chaînon, n°65, décembre 2023.
- 2Voir à ce sujet l’étude de campagne, À bout de souffle. Parcours d’obstacles pour un droit au logement.
- 3FASSIN, D., La santé en souffrance dans Les Lois de l’inhospitalité: Les politiques de l’immigration à l’épreuve des sans-papiers, éd. La Découverte, Paris,
1997, p. 107. Disponible sur shs.cairn.info - 4Selon la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. »